Les 7 étapes du deuil par Jean Monbourquette
02/08/2013 15:49Les 7 étapes du deuil par Jean Monbourquette
Avant d’aborder l’étude de ces étapes du deuil, une mise au point s’impose. Disons que chaque personne vit son deuil à sa manière. Il n’y a pas une façon idéal ou déterminée pour résoudre un seuil. Par ailleurs, les spécialistes du deuil ont discerné, dans la résolution d’un deuil, des moments communs à tous les endeuillés qu’on peut appeler « étapes » au sens large du terme.
Mon expérience auprès des endeuillés m’a amené à repartir l’évolution du deuil sur 7 étapes, à savoir le choc, le déni, l’expression des émotions, la prise en charge des taches reliées au deuil, la recherche d’un sens, l’échange mutuel des pardons et enfin, l’héritage. Voici une brève description de ces étapes.
1 le choc
Le choc survient souvent des qu’on apprend la nouvelle maladie grave ou le décès d’un être cher. On se sent alors consterné et impuissant à décrire ce qui se passe en soi. On a de la peine à entendre et réaliser ce qui est arrivé. On ne parvient pas à y croire « c’est un vrai cauchemar », « ça ne se peut pas », « hier encore, il paraissait si bien », etc.
Pendant quelques semaines à la suite du décès, les deuilleurs se sentent engourdis et léthargiques. Ce qui ne les empêche pas de se monter au-dessus de leur deuil devant les visiteurs au salon funéraire. Ils ne pleurent pas. Ils vivent, pour ainsi dire, sur un nuage. Ils manquent cependant de concentration et leur mémoire s’en trouve gelée. Ils commencent à ressentir une lourde fatigue qui rend les tâches quotidiennes pénibles à exécuter. Ils régressent souvent à un état de dépendance semblable à celui de l’enfance. Pas étonnant que les amis leur offrent de les aider à tenir le coup en leur rendant des services tels que leur préparer de la nourriture et faire des tâches domestiques pour eux.
2 le déni
Peu après le choc commence la phase de déni ou de la dénégation. Le déni relève soit de l’ordre de la connaissance, soit de l’ordre de l’affectivité ou des deux à la fois. La dénégation sur le plan cognitif pousse à oublier l’évènement malheureux et a éviter tout ce qui peut lui rappeler la perte, telle que la référence à l’hôpital, au cimetière, au salon funéraire, etc. certains deuilleurs tapissent leurs murs de photos du défunt de peur de l’oublier, d’autres gardent intacts sa chambre et ses objets personnels comme s’il vivait encore. Dans le jargon psychologique, on appelle cette conduit momification.
Sur le plan affectif le déni engendre chez l’endeuillé, surtout chez les hommes, une incapacité vivre et à exprimer ses émotions. Il combat la montée de ses émotions en utilisant diverses tactiques : il se tient si occupé qu’il devient hyperactif, il se met à chercher un ou des responsables du décès, il idéalise le défunt il essaie d’imiter la maladie du cher défunt ou encore il cherche à trouver une personne-substitut souvent parmi les membres de sa propre famille pour qu’elle prenne la place du défunt. Parfois, endeuillé sera tenté de noyer son deuil ou de geler sa peine dans la boisson, les médicaments ou la drogue. D’autres fois, il se complaira dans des fantasmes de faire réapparaitre l’être disparu. Tous ces stratagèmes le soulageront de sa pei1ne de courts instant jusqu’à ce que la dure réalité de la mort le rattrape et l’accable de nouveau.
3. la ronde des émotions
Quand les résistances du deuil se mettent à céder, la personne endeuillée se sent submergée par un flot d’émotions et de sentiments divers, tels que l’angoisse, la tristesse, la sensation d’avoir été abandonnée, la colère, la culpabilité et la libération. Ces états d’âme viennent en soi, se retirent puis reviennent comme le flux et reflux de vagues tout en perdant de leur intensité à chaque venue.
L’angoisse
Au moment où l’endeuillé apprend la mauvaise nouvelle, il se sent envahi par l’angoisse. La réalité de la mort d’un proche lui rappelle sa propre mort qui approche. Il se sent alors désarmé devant son imminence. Il a l’impression d’avoir perdu la maitrise de sa vie en perdant son être cher. Il prend conscience de ses limites humaines. Il se sent impuissant à changer le cours des choses. Cet état angoissant disparaitra à condition qu’il accepte ses limites et prend conscience de son incapacité à sauver l’être aimé.
La tristesse
La tristesse est l’émotion typique du deuil. Elle est la douleur d’un cœur auquel on aurait arraché l’objet de son amour. Le mot « peine » qu’on utilise souvent pour designer la tristesse connote très souvent le sentiment d’être puni ou de subir un châtiment. La tristesse s’exprime normalement par des pleurs.
Elle se fait parfois si intense qu’elle plonge l’endeuillé dans un état de désolation au point de désirer mourir pour aller rejoindre dans la mort l’être aimé
La colère
La colère sourde dans le deuil prend souvent la forme plus ou moins consciente d’une protestation contre le défunt a qui l’endeuillé reproche de l’avoir abandonné. Rares sont ceux qui osent laisser libre cours à leur colère. Une cliente me disait « comment peut-on se fâcher contre un mort ? » souvent, la colère se déplacera sur les autres. L’endeuillé en colère s’efforcera de trouver un ou des coupable de cette tragédie personnelle. Il s’en prendra aux soignants ou aux proches, il les blâmera de ne pas avoir prodigué a l’être aimé tous les soins nécessaires. Pour d’autres, leur colère se retournera contre eux-mêmes, ils seront submergés par un sentiment de culpabilité.
La culpabilité
Le sentiment de culpabilité qui afflige l’endeuillé ne revêt pas toujours un caractère indésirable car toute séparation ou tous deuil engendre un sentiment de saine culpabilité. Ainsi, la séparation d’un conjoint bien-aimé, par exemple, fait souvent naitre, chez l’autre, une conscience plus vie de ses manques d’amour. L’endeuillé se sentant coupable, se posera des questions comme celles-ci : « lui ai-je assez parlé ? Lui ai-je assez dit que je l’aimais ? Ai-je tout fait pour le sauver de la mort ? »
Il y a sans doute quelque chose d’excessif dans les reproches qu’il se fait. La manière d’atténuer la crise de culpabilité, chez le survivant, est de reconnaitre ses limites devant la mort ainsi que son incapacité d’aimer d’un amour parfait en tout point.
La sensation d’être libre
Beaucoup d’endeuillés n’osent pas éprouver ce sentiment de libération après la mort de l’être cher. Ils s’en voudraient de laisser croire aux proches et aux amis qu’ils voulaient se débarrasser d’un être encombrant. Prenons l’exemple d’un grand malade que l’on a gardé jour et nuit. Les soignants épuisés ne ressentent-ils pas une vraie délivrance au moment de la mort du moribond ?
D’ailleurs, entretenir les liens d’intimité demeure toujours une chose difficile et engageante. N’est-il pas normal et sain pour les intimes de ressentir un sentiment de libération a la mort lente et éprouvante d’un être, si cher soit-il ? Plusieurs ne comprennent pas qu’on puisse être habité à la fois de nombreux sentiments contradictoires, tristesse et libération, amour et haine, peur et désir d’intimité, etc.
La grande « braille »
L’expression des émotions tire à sa fin au moment de la « grande braille » qui s’avère un tournant dans la résolution du deuil. A ce stade, la personne en deuil acquiert une vive et pleine conscience de la perte définitive de l’être aimé. Elle laisse s’envoler le dernier espoir de son retour. Elle réalise que l’aimé est bien parti et qu’elle en le reverra plus. Sa tristesse se change alors en « lamentations ». J’appelle « la grande braille » le moment précis de la conscience de la perte. Il se reconnait à l’intensité de la douleur transformant les pleurs en lamentations.
Puis, à la suite de cette éclatante décharge émotive, l’endeuillé éprouve une profonde paix souvent accompagnée d’expériences-sommet il se sent soutenu par des êtres spirituels ou il se voit baigné dans un flot de lumière réconfortant. C’est alors qu’advient, chez lui, en même temps, la pleine conscience de la gravité de sa perte et l’acceptation du départ irrévocable de la personne aimée.
La difficulté principale que les thérapeutes éprouvent lors du traitement des émotions, c’est que beaucoup de deuilleurs ne possèdent pas un large répertoire d’émotions et de sentiments pour s’exprimer.
Ils ont des émotions « trafiquées », c’est-à-dire qu’ils ont des émotions de surface qui cachent leurs réelles émotions. Parfois, c’est de la tristesse qu’ils manifestent alors qu’en dessous, c’est de la colère qu’ils couvent, ou bien ils manifestent de la colère, mais au font ils vivent de la tristesse. Voici des exemples d’émotions et de sentiments « trafiquées » : des rires nerveux pour l’angoisse, le sentiment de culpabilité pour le sentiment de libération, des plaintes pour de la colère, de la joie pour des regrets, et ainsi de suite. Les endeuillées ont recours à ce stratagème parce que leurs parents leur ont interdit d’exprimer certains sentiment et émotions. Une telle défense grippe le déroulement normal des émotions et des sentiments.
4. la prise en charge des taches reliées au deuil
Une fois que le travail émotionnel du deuil progressé, il restera à accomplir des taches concrètes conséquente au deuil. Quelles sont-elles ? Il s’agira de réaliser les promesses faites au défunt, exécuter les rituels funéraires prescrits par la coutume, ranger les photos du défunt dans un album, se défaire de ses vêtements et de ses objets personnels, garder un ou deux souvenirs en mémoire du disparu, etc. ces gestes en apparence insignifiants contribueront beaucoup à accélérer le travail du deuil. Car, en les posant, l’endeuillé démontrera a lui-même et aux proches qu’il est bien engagé dans l’acceptation de la mort de l’être cher.
5. la découverte du sens de sa perte
L’expression des sentiments et des émotions et l’exécution des taches concrètes conséquentes au deuil permettent à l’endeuillé de peu à peu ses distances vis-à-vis du décès. Le deuilleur n’est plus tout abordé dans le monde de ses émotions, il aura commencé à mettre sa perte en perspective. Le temps sera venu pour lui de se demander quel sens pourra prendre sa perte affective et comment il poursuivra sa vie à l’avenir. Au lieu de rester dans un état d’âme de désolation, il en profitera pour mieux connaitre et pour puiser dans ses ressources personnes. Il exploitera davantage ses forces en l’absence de l’être aimé.
Enfin, il en viendra à reconnaitre qu’à la suite de son malheur, il aura muri et aura trouvé de nouveau sens dans sa vie. Alors le temps est venu de réfléchir sur le sens spirituel de son existence et de sa perte en se posant les questions suivantes :
- qu’est-ce que j’ai appris sur ma vie en l’absence de l’être cher ?
- quel sens prendra ma vie après la mort de la personne aimée ?
- y a-t-il une vie après la mort ? on se posera alors la question de l’au-delà : soit la résurrection, soit la réincarnation ou soit le néant.
- après ma mort, existe-t-il un ciel ou un lieu de rencontre permettant de revoir tous les parents et les proches disparus ?
- pourquoi dieu si bon est-il venu cherche mon fils, ma fille, mon père, ma mère …. ?la colère contre un dieu sadique ne serait ’elle pas de mise ?
Beaucoup de psychologues et de thérapeutes du deuil laissent tomber ce questionnement sur le sens, croyant faussement que le deuil se termine à la fin de l’étape des émotions, le cas suivant pourrait les convaincre du contraire. J’avais une cliente, une femme qui avait perdu son bébé de huit mois. Elle était inconsolable. Apres lui avoir fait raconter l’histoire de la mort de son bébé plusieurs fois, en désespoir de cause, je lui ai demandé : « est-ce que la mort de ton bébé a pris, prend ou prendra un sens pour toi ? » elle me répondit « tu veux mettre dieu dans ma détresse ?moi, je ne suis pas croyante » je lui ai fait la remarque suivante « c’est toi qui as commencé à parler de dieu, pas moi »
A la session suivant, elle me dit qu’elle avait réfléchi a la question stupide que je lui avais posée à la dernière rencontre. Et voici sa réponse « j’ai une grand amie qui est décédée l’an passé. Or son grand désappointement dans la vie était qu’elle n’avait pas eu d’enfant. Elle est surement au ciel mais seule. Je voudrais lui confier mon bébé pour qu’elle en prenne soin. Quant à moi, étant assurée de son amour pour les enfants, je ne m’inquiéterai plus de mon enfant. Jusqu’à maintenant, je couchais avec ses cendres près de mon lit. Je suis prête à les faire enterrer au cimetière » sa réponse à ma question sur le sens de la mort de son enfant l’avait réconforté au point qu’elle avait cessé de pleurer.
6. l’échange de pardons
A l’expérience, j’ai pu constater la nécessité de pardonner pour achever le processus de deuil. L’endeuillé qui sera parvenu à accorder son pardon au défunt pour ses fautes et surtout pour son départ, se libera des reste de la colère que le départ de l’être cher aura provoquée en lui. Par contre, en demandant pardon au défunt pour ses propres faiblesses et ses manques d’amour, l’endeuillé réduira d’autant l’intensité de son sentiment de culpabilité. L’échange de pardon qu’il effectuera avec son cher disparu lui apportera une grande paix. Grace à la réconciliation, il se sentira en paix avec lui-même et se trouvera disposé à accueillir son héritage.
7. la prise de possession de son héritage
L’héritage spirituel consiste à se réapproprier tout l’amour et les rêves dont l’être aimé aura été l’objet. Autrement dit l’héritage consiste à reprendre à son propre compte ce qu’il avait admiré et aimé chez l’autre au moment de l’amour-fusion. L’endeuillé a le pourvoir d’incorporer dans sa vie les qualités et les talents appréciés chez le cher disparu, à condition, bien entendu, d’avoir consenti à le laisser partir. En vue d’aider les endeuillés à recevoir leur héritage spirituel, j’ai conçu un rituel dont la description se trouve dans mon volume « aimer, perdre et grandir »
A l’aide de ce rituel, il devient possible d’évaluer tous les apprentissages acquis en présence de l’être aimé et de s’autoriser a les actualiser pour soi. Grace à l’héritage, on se trouvera gratifié et habité par une nouvelle forme de présence du cher disparu.
Pour terminer, permettez-moi de vous affirmer que le deuil n’a rien à voir avec une maladie chronique, comme d’aucuns le prétendent, mais c’est le passage obligé temporaire. Il ne dure qu’un temps, le temps de « faire son deuil »
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